Naïma aime prendre des risques, et ça paye. Plusieurs défis à l’occasion du concours du Crest Jazz Vocal, le premier étant d’y participer, le second de faire son premier concert à la guitare basse électrique, le dernier de présenter en live plusieurs compositions personnelles, discipline à laquelle elle se consacre depuis peu.
Dès le départ, la barre est haut placée, avec un démarrage a capella pour Naturally, chanson écrite par Abbey Lincoln. Quelques accords de piano plaqués en arrière-plan, et le quartet enchaîne en swing pour la suite du morceau. La voix est bien posée, claire, ample, malgré le stress du début de concert. Je suis toujours admiratif des artistes qui arrivent à chanter en même temps qu’ils assurent leur partie d’instrument ; Naïma assure une walking bass bien balancée, chante, scatte avec une constance désarmante, sous l’œil admiratif de sa petite troupe. Il faut dire qu’elle a été à bonne école au conservatoire de Lyon, entre Jérôme Regard pour la contrebasse et Jérôme Duvivier pour le chant. Et surtout, Naïma a une vraie présence sur scène.
Nice work if you can get it débute en douceur et s’anime rapidement jusqu’aux chorus de Jules Le Risbé au piano, puis John Owens à la guitare, qui échangent quelques phrases musicales sous forme de 4×4. La voix rejoint ensuite le piano pour un début de chorus écrit très syncopé et à l’unisson, qui donne son envol à une improvisation vocale très mélodieuse. Naïma ne choisit pas la facilité ; elle taquine les notes altérées là où on ne les attend pas, histoire d’enrichir les harmonies, tout en tenant sa ligne de contrebasse qui n’en profite pas pour s’échapper dans la monotonie.
Born to be blue (le blues du Grau du Roi) est l’occasion de chambrer gentiment le pianiste qui vient de prendre les commandes d’un synthétiseur à deux claviers en mode orgue Hammond tout prenant discrètement possession de la basse électrique. Les pêches tombent impeccablement, ponctuées par un léger mouvement d’épaule. Place à la première composition du set, Your Lines, introduit par une petite ritournelle à la guitare qui amène en douceur la mélodie, avant d’ouvrir le champ des univers aux solistes.
The Peacocks, de Jimmy Rowles est une ballade à la mélodie subtile pas aussi évidente qu’il n’y paraît délicatement interprétée en duo piano/voix. Avec une entrée en matière vocale et vocalisante émaillée de citations et variations parmi lesquelles on peut reconnaître le Boléro de Ravel.
One or two, est une seconde composition, invitation au voyage vers les côtes d’Afrique ou d’Amérique latine, tensions rythmiques et lancinantes vigoureusement soutenues par les baguettes de _Thomas Doméné__ résolues en un chabada libérateur.
Post-Scriptum : vers 20h00 nous avons appris que le Naïma Quartet avait été désigné lauréat du concours de jazz vocal de Crest 2017 et a également obtenu le prix du public. Le prix de la Sacem a été attribué à la formation Selkies.
Michel Perrier & photos Jazz Rhone Alpes.